Moulas

Avec le projet controversé de l’équipe municipale d’en faire l’acquisition, la ferme de Moulas refait parler d’elle…. Et de son chemin. L’occasion de parler de ce bout de territoire seyssois.

 

Moulas, à un peu plus de 2 km à vol d’oiseau de l’église, et une des fermes historiques de Seysses.

Le corps de ferme d’origine est toujours debout, depuis plus de deux siècles, complété au fil du temps par un pigeonnier et plus récemment par des bâtiments agricoles.

Le bâtiment d’origine pourrait être antérieur à la révolution française. Son pigeonnier, non présent en effet sur le cadastre de 1813, a été rajouté après cette date : il est d’ailleurs extérieur au bâtiment principal, contrairement à d’autres fermes seyssoises qui intègrent le leur dans le corps de ferme au moment de leur construction.

Moulas en 1813, sous Napoléon. On remarque que le pigeonnier est absent.

Moulas aujourd’hui, un pigeonnier et des bâtiments agricoles en plus. Le corps de ferme a aussi été agrandi au nord

Avant la révolution française, posséder un pigeonnier était un privilège seigneurial. Après la révolution, les paysans ont eu le droit de construire des pigeonniers, et on a vu apparaître un nouveau modèle de bâtiments, avec des pigeonniers intégrés à la structure du bâti principal, et souvent mis en valeur avec fierté. C’était un signe de richesse.

Après la révolution, les paysans ont eu le droit de construire des pigeonniers, et on a vu apparaître un nouveau modèle de bâtiments, avec des pigeonniers intégrés à la structure du bâti principal, et souvent mis en valeur avec fierté. C’était un signe de richesse.

On peut alors penser que si le corps de ferme de Moulas a été construit sans pigeonnier, c’est peut-être parce qu’il l’a été à une époque où ce n’était pas encore permis, c’est-à-dire avant la révolution.

 

Moulas, territoire agricole

Sur notre territoire, avant-dernière terrasse de la Garonne, la particularité de la ferme de Moulas est qu’elle se situe sur une zone géologique où le grep est peu profond. Le grep, c’est le socle géologique qui s’est constitué par dépôt alors que la Garonne passait là, il y a des centaines de milliers d’années. Ce socle est composé des galets charriés depuis les Pyrénées par le fleuve, enrobés dans de l’argile mêlée de silice, très résistant et imperméable. Dans les milliers d’années qui ont suivi le retrait de la Garonne plus au sud (la dernière terrasse est celle qui forme notre route de Toulouse, la rue Boltar et la route d’Ox), une couche de dépôts d’origine végétale s’est entassée sur ce socle de grep et son limon.

dictionnaire étymologique des idiomes méridionaux de 1898

Or justement, à Moulas, cette croute est fine, le grep est proche de la surface, et comme il a cette propriété d’être imperméable à l’eau, la terre de Moulas est une terre qui patauge dans l’eau quand il pleut, cette dernière ne pouvant être suffisamment absorbée. C’est sans doute ce qui lui a valu son nom : Moulas, qui en occitan, d’après le dictionnaire étymologique des idiomes méridionaux de 1898, signifie « mollasse, pâteuse ».

Une des parcelles, entre Moulas et Méric, était appelée autrefois « merdanson », c’est dire si elle devait être boueuse. Il s’agit d’une des parcelles où s’est construite la ferme photovoltaïque, qui n’a rien d’une ferme, et qui mériterait bien de reprendre ce nom de « merdanson », car elle défigure notre entrée de village et notre paysage agricole, tout en nous faisant payer plus chère notre électricité.

 

Moulas, lieu-dit

La ferme de Moulas pourrait être depuis oubliée des seyssois, car sans grand intérêt autre qu’agricole. Mais son nom s’est inscrit durablement dans l’histoire grâce à la cartographie. Au début du 19ème siècle, en effet, notre territoire était constitué de quelques fermes espacées et isolées, reliées au cœur de village par des chemins convergents vers ce dernier. Ainsi, si les chemins qui conduisaient dans les autres communes portaient le nom de ces communes (chemin ou route de Fonsorbes, de Plaisance, d’Ox, de Muret, de Toulouse, etc…) ceux qui ne menaient que dans une ferme, portaient eux le nom de la ferme : chemin de Gay, chemin de Couloumé, chemin de la Bourdasse, etc… autant de fermes historiques seyssoises. Le chemin qui menait à la ferme de Moulas s’appelait ainsi logiquement le chemin de Moulas. Inscrit par les géomètres de Napoléon sur le premier cadastre national en 1813, ce nom de chemin est arrivé jusqu’à nous, ce qui a donné au toponyme Moulas sa pérennité.

Une ferme, et… un chemin

Aujourd’hui, le chemin de Moulas est un chemin rural, public donc. C’est le chemin rural n° 6 de notre commune. Nous avons tous le droit de nous y promener, comme sur les autres chemins ruraux et communaux de la commune. Ce chemin nous appartient et ne saurait être vendu.

La commune de l’ayant pas entretenu, son trajet s’efface peu à peu. Vu d’avion, on le distingue cependant encore. Il est aujourd’hui barré par la ferme photovoltaïque, qu’il faut donc contourner pour rejoindre la route de Fonsorbes. L’ancienne équipe municipale, en effet, s’est crue autorisée à vendre ce tronçon du chemin, pourtant propriété de tous les seyssois et patrimoine territorial vieux d’au moins deux siècles.

Quel avenir pour le patrimoine seyssois des chemins ruraux ?

Comme on peut le voir sur la photo au début de cet article, le propriétaire actuel de la ferme s’est approprié illégalement ce chemin public en plaçant en travers une grosse barrière, alors que chacun est libre de passer. C’est plus de deux siècles de patrimoine seyssois qui sont ainsi déniés, avec la complicité des précédents maires de la commune, qui n’ont rien fait pour rétablir le droit des seyssois de circuler librement sur ce chemin.

De nombreuses communes dans notre département et partout en France, cherchent depuis une vingtaine d’années à réhabiliter des chemins ruraux pour permettre la randonnée et le vélo sur leur territoire. Quand la commune de Seysses se préoccupera-t-elle de protéger ceux que l’histoire a légués à chaque seyssois ? Comment en prendra-t-elle soin ? Que compte-elle transmettre aux futures générations de ce patrimoine ?

Peut-être faut-il redire le sens d’un bien patrimonial et notre responsabilité collective : Nous, Seyssois, aujourd’hui, nous sommes co-propriétaires d’un ensemble de biens que les générations antérieures nous ont légués, que, parfois, elles ont construits de leur propres mains, pour nous, pour tous, à travers le temps. Plus que propriétaires, nous en sommes responsables. Nous les avons reçus. Que ce bien nous intéresse ou pas, nous devons le transmettre en bon état. Ce n’est pas seulement une question de droit et de loi, c’est une question morale et citoyenne.

Quand au chemin de Moulas, outre son caractère patrimonial, son enjeu stratégique n’est pas à démontrer : c’est le seul chemin sur des kilomètres qui relie la route de Fonsorbes au chemin de Couloume. Comment peut-on accepter qu’il disparaisse au profit d’une seul et pour de l’argent, comme cela s’est déjà fait pour la ferme photovoltaïque ?

Pour finir, relativement au projet d’achat de la ferme Moulas (presque un million d’euros), des questions restent ouvertes : n’y a-t-il pas des investissements fonciers plus urgents pour notre territoire (achat de parcelles clés pour une modification du tissu routier par exemple) ? Notre commune a-t-elle vraiment besoin d’une ferme pédagogique, en particulier : quelle analyse des besoins de la commune a conduit à la décision de créer une ferme pédagogique ? La ferme de Moulas est-elle la ferme idéale pour un tel projet ? Est-ce le bon moment pour lancer ce projet ?

One Response to Moulas

  1. Austruy dit :

    Félicitations pour votre article remarquablement documenté.
    Je souscris bien entendu à l’intérêt que nous devons porter au maintien de notre patrimoine commun dont font partie les chemins ruraux.
    Pour ce qui est du projet d’achat la ferme de Moulas c’est tout simplement une aberration stratégique (le terrain étant inculte et inapproprié pour une ferme pédagogique), il doit y avoir il me semble d’autres priorités budgétaires.

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