crématorium et polllution

Bon alors, ça pollue ou ça pollue pas ?

 

Le mois dernier, le maire de Seysses recevait à leur demande l’agricultrice de la ferme du Petit Scarabée et trois représentants AMAP, inquiets de voir le crématorium s’implanter à quelques mètres de l’exploitation bio seyssoise. On les comprend. Entre autres invités surprise de cette rencontre, un représentant de la société chargée de construire et d’exploiter le crématorium était là, pour affirmer qu’il n’y aurait pas de pollution.

Par ailleurs, face aux inquiétudes des seyssois, l’association crématiste de la Haute-Garonne, ce 30 mars, rendait public via La Dépêche un communiqué criant au mensonge et affirmant : « Non, les crématoriums n’ont aucune incidence sur l’environnement, les chiffres officiels le prouvent et nous pouvons les présenter. »

La question  n’est pas des moindres. Elle concerne tous les seyssois, mais également les habitants de Lamasquère, tout proche. Un crématorium, est-ce que ça pollue, ou pas ? Et, plus largement, est-ce que ça a un impact sur l’environnement ?


Quelques remarques préalables sur la forme et les procédés :

Pour alimenter ce débat, il paraît important de s’assurer de la validité de ce qui se dit. Certaines interventions sont ainsi pour le moins maladroites.

-          Inviter à participer au débat la société privée qui va construire et exploiter le crématorium, n’est en rien un gage de validité : propriétaire et exploitant de plusieurs dizaines de crématoriums en France, cette société ne va pas dire qu’un crématorium pollue, elle va plutôt chercher à rassurer, pour qu’on la laisse faire tranquillement son business. Etant juge et partie dans cette affaire, ce qu’elle apporte au débat ne peut être crédible.

-          Dans son communiqué à La Dépêche, l’association crématiste de la Haute-Garonne, nie des évidences : elle a le droit de penser que les normes d’émission de gaz toxiques proposées par la loi sont valables. Mais de là à prétendre que « les crématoriums n’ont aucune incidence sur l’environnement», c’est faire un raccourci qui va à l’encontre de la prise de conscience environnementale à l’échelle mondiale. L’environnement, ce n’est en effet pas que la pollution de l’air. L’impact sur l’environnement relève du bon sens, et les chiffres officiels n’ont rien à voir là-dedans : milieu et équilibre écologiques modifiés, puisqu’il s’agit d’une implantation en milieu agricole et naturel ; surface de terres imperméabilisées augmentée ; impact des accès routiers créés et des canalisations de gaz implantées souterrainement ;  passage des convois sur des lieux peu fréquentés, ce qui les rend encore plus visibles que quand ils sont dispersés dans la circulation ; et, outre cette augmentation significative du trafic local, l’impact psychologique sur les riverains exposés au spectacle quotidien et attristant du deuil. Oui, toute infrastructure industrielle a un impact sur l’environnement, et le nier relève d’un procédé peu louable.

-          Attention à ne pas dévoyer le débat : les protestations les plus visibles aujourd’hui ne s’opposent pas à l’implantation d’un crématorium à Seysses, contrairement à ce que l’on voudrait faire croire. Elles s’opposent à son implantation sur un terrain agricole, au milieu d’une grande zone agricole et naturelle, loin des grandes voies de circulation, alors qu’il y a des alternatives, à Seysses ou dans les environs. Le maire de Seysses parle d’ailleurs justement dans son communiqué à la Dépêche d’une «opposition au projet de crématorium porté par le Sivom SAGe» (dont l’ex Sivom de la Saudrune fait partie). Rappelons, en effet, que ce nouvel emplacement pour le crématorium a été imposé par Alain Bertrand, maire de Frouzins, alors Président du Sivom de la Saudrune. Le projet initial de la mairie de Seysses était une implantation proche, elle,  de l’accès autoroutier, implantation initiale qui réunissait un large consensus.

-          Enfin, il faut noter que le débat arrive un peu tard : pour reprendre l’argumentaire proposé par Bruno R., lors du même débat en cours actuellement à Saint-Hostien (Haute-Loire), «Opacité totale. Aucune information auprès des habitants. C’est inadmissible. (…) Je suis un défenseur du principe de précaution. Le doute et la réflexion s’imposent avant un engagement sur un tel projet. (…) Il est nécessaire de partager les connaissances et les avis de tous avant de s’engager dans un tel projet. Une équipe communale doit avoir une vision cohérente et éclairée (voire éclairante !!) de l’avenir et cela ne peut se faire sans l’intégration de ceux qui l’ont désignée. » (https://www.change.org/p/non-au-cr%C3%A9matorium-%C3%A0-st-hostien) Oui, nos élus abusent trop souvent, parfois à leur profit, de la délégation de pouvoir que nous leur avons donnée et nous trahissent. La campagne électorale en cours ne le montre que trop, les élus se sont constitués en caste qui se veut supérieure. Les appels à la restauration d’un minimum de démocratie se multiplient, et à tous les niveaux le mécontentement augmente.

 

Un crématorium, est-ce que ça pollue, ou pas ?

La question n’est pas nouvelle. Elle a fait l’objet de nombreux débats dans les années 90 et 2000, et a conduit à de nouveaux textes réglementaires en 2010 (Ministère de la Santé et des Sports, Arrêté du 28 janvier 2010 paru au journal officiel du 16 février, relatif à la hauteur de la cheminée des crématoriums et aux quantités maximales de polluants contenus dans les gaz rejetés à l’atmosphère).

Jusque-là, contrairement à d’autres pays, la pollution engendrée par les crématoriums en France n’était pas prise en compte. Elle était pourtant loin d’être négligeable. L’association Française d’Information Funéraire en fait état en 2012. (http://www.afif.asso.fr/francais/conseils/conseil33.html ) :

L’Association française d’information funéraire est un association loi 1901 fondée par Michel Kawnik, qui se donne pour but l’information du public et la défense des intérêts des familles, en France et ailleurs, pour ce qui concerne la mort, les rites funéraires, le deuil et le souvenir. Cette association contribue aussi à des conférences, colloques, et participe à des commissions consultatives des services publics locaux. Cet organisme créé en 1992 est indépendant de tout syndicat, fédération, société commerciale ou autre association.

Cette association explique :

« L’or des prothèses dentaires, le métal des orthèses ou des prothèses articulaires sont soit collectés (les sociétés d’exploitation des crématoriums ne communiquent pas sur ce sujet et son commerce), soit évacués sous forme de poussière ou gazeuse ce qui est le cas lors de la sublimation du mercure contenu dans les amalgames dentaires.

« Les études sur la crémation se multiplient, notamment au Royaume-Uni. Les Anglais ont calculé que la crémation dégageait 1,35 tonne de mercure par an, dont la quasi-totalité, émise par rejet dans l’atmosphère. Le décret 94-117 du 20/12/1994 complété de l’arrêté du 29/12/1994 n’imposent aucun seuil pour le rejet du mercure et de la dioxine par les crématoriums.

« Par suite de la non-obligation législative de présence de filtres adaptés, les crématoriums français « sans filtre » sont responsables du tiers du total des émissions gazeuses de mercure qui est une substance cancérogène, mutagène et reprotoxique. » Le mercure se concentre également par bio-accumulation. Ce sont les animaux et les humains qui en souffrent le plus.

« Autres métaux lourds concernés : le plomb et le cadmium (Rapport d’information n° 261, les effets des métaux lourds sur l’environnement et la santé. Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques déposé le 5 avril 2001)

« La France, contrairement à bien d’autres pays européens, n’impose pas de système de filtration. Les pays du Nord, l’Allemagne, la Belgique et la Grande-Bretagne ont commencé depuis plusieurs années à s’équiper. Afin de lutter contre la grave pollution mercurielle, la Norvège a interdit en janvier 2008 l’emploi des amalgames dentaires au mercure.

« Lors d’une crémation, les produits formolés employés pour une conservation chimique du corps (thanatopraxie, soins de conservation, etc.) produisent de la dioxine.
La France, contrairement à bien d’autres pays européens, n’interdit pas ces injections lors d’une cérémonie d’obsèques avec crémation. La dioxine peut être à l’origine d’atteintes cutanées, d’altérations de la fonction hépatique, des systèmes immunitaires, nerveux et endocriniens et de la fonction de reproduction.

« En avril 2012, seuls 7 crématoriums français sur 144 sont équipés afin qu’aucune particule, mercure, dioxine et autres substances nocives majeures ne soient rejetés. En 2014,elles n’étaient encore que 9.

« Un arrêté signé le 28 janvier 2010, paru au JO le 16 février, oblige les crématoriums à s’équiper de filtre avant le 17 février 2018… Texte législatif intégral du 28/01/2010 (Cliquer) »

Et cette association concluait en 2012 : « Jusque 2018, les français devront supporter les dramatiques conséquences de santé dues au manque de respect du business de la mort! »

 

Qu’en est-il en 2017 ?

Un  crématorium qui dispose d’un filtre pollue moins qu’avant, mais ça ne signifie pas qu’il ne pollue plus, comme on voudrait nous le faire croire. Un crématorium équipé d’un filtre (obligatoire seulement à partir de février 2018) rejette :

-          20 mg/normal m3 de composés organiques (exprimés en carbone total) ;

-          700 mg/normal m3 d’oxydes d’azote (exprimés en équivalent dioxyde d’azote) ;

-          100 mg/normal m3 de monoxyde de carbone ;

-          100 mg/normal m3 de poussières ;

-          100 mg/normal m3 d’acide chlorhydrique ;

-          200 mg/normal m3 de dioxyde de soufre.

Donc oui, ça pollue. Certains diront « Ce n’est pas beaucoup », surtout s’ils habitent loin. D’autres diront « C’est déjà trop, soyons prudents ». Dans 10 ans, peut-être, on mesurera l’impact de ces quantités sur la santé des gens, et on les reverra à la baisse. En attendant, puisqu’on a le choix, autant réfléchir à l’endroit où on produit cette pollution, même si elle est réglementaire. Ce n’est même pas un principe de précaution, c’est du bon sens. Rien n’oblige à mettre ce crématorium au milieu d’une zone agricole et naturelle, loin des accès routiers.

Relativement à ces normes, une information interpelle : le crématorium du Père Lachaise, à Paris, a été équipé de deux filtres (coût : 450 000 euros). Dans le cadre de sa politique de développement durable, la Ville de Paris a en effet décidé d’aller très au-delà de la future obligation, en installant des dispositifs de filtration innovants et extrêmement performants.

Le tableau ci-dessous reprend les données constatées au Père Lachaise en 2015 :

POLLUANTS SYMBOLES EXIGENCES ACTUELLES* EXIGENCES FUTURES** DERNIERES ANALYSES DU PERE LACHAISE***
POUSSIERES < 100 mg / Nm3 < 10 mg / Nm3 3.01 mg / Nm3
MONOXYDE DECARBONE CO < 100 mg / Nm3 < 50 mg / Nm3 23.5 mg / Nm3
OXYDES D’AZOTE NOx < 700 mg / Nm3 < 500 mg / Nm3 366 mg / Nm3
COMPOSES ORGANIQUES VOLATILES COV < 20 mg / Nm3 < 20 mg / Nm3 3.32 mg / Nm3
ACIDE CHLORHYDRIQUE HCL < 100 mg / Nm3 < 30 mg / Nm3 4 mg / Nm3
DIOXYDE DE SOUFFRE SO² < 200 mg / Nm3 < 120 mg / Nm3 16,8 mg / Nm3
MERCURE HG < 0,2 mg / Nm3 0,016 mg / Nm3
DIOXINES ET FURANES PCDD et PCDF < 0,1 ng / Nm3 0,00714 ng / Nm3

-
*arrêté du 25 avril 1995
**arrêté du 28 janvier 2010 applicable le 29 janvier 2018
*** maximum des moyennes des analyses des deux lignes de filtration des fumées, ouest et est.

C’est dire si, pour certaines municipalités, et pas des moindres,  la prudence est de mise… Pourquoi ce qui est valable à Paris ne le serait pas en province ?

 

Crémation contre inhumation

L’association crématiste de la Haute-Garonne argumente qu’une crémation pollue moins qu’une inhumation, ce qui est vrai sur un temps long. Par contre,  alors que les inhumations se font globalement localement ((il faut le plus souvent habiter la commune pour acquérir une concession), ce qui répartit la pollution sur toutes les communes, la crémation concentre, elle, la pollution de toute une partie du département en un seul lieu. Le lieu où est implanté le crématorium est donc sacrifié pour les autres. Les inhumations sont communales, les incinérations sont départementales (900 crémations à l’année pour un crématorium, 60 inhumations en moyenne dans une commune de la taille de Seysses).

 

Et si on parlait alternatives : ni inhumation, ni crémation

Il existe des alternatives écologiques à la crémation et à l’inhumation, déjà pratiquées dans plusieurs pays.

- La résomation encore désignée par promession ou bio-crémation est un procédé développé en Suède. Le défunt plongé dans de l’azote liquide est  refroidi à -196°C. Devenu friable, il est placé sur une table vibrante pour provoquer sa destruction en particules fines. Après tamisage, la poudre obtenue est placée dans une urne biodégradable afin d’être enterrée. Aucun rejet de vapeur de mercure n’est dégagé dans l’atmosphère.

La promession est actuellement autorisée en Suède, Allemagne, Royaume-Unis, Corée du Sud, Afrique du Sud.

- L’aquamation ou hydrolyse alcaline consiste à réduire le corps en cendre sans crémation. Après immersion dans un caisson rempli d’une solution alcaline, il y a mise sous pression et chauffe à 160°. La poudre de calcium obtenue peut être placée dans une urne biodégradable ou non. Limitation des rejets de CO², pas de pollution par le mercure et les métaux lourds. Utilise 10 fois moins d’énergie qu’une crémation

L’aquamation est utilisée en Australie, en Angleterre, aux USA (dans 7 états américains dont la Floride, la Pennsylvanie et le Minnesota) et au Canada.

 

Ces deux techniques ne sont pas proposées par les sociétés de pompes funèbres en France car :

- La mise en cercueil est une obligation législative.

- Seules l’inhumation et la crémation sont autorisées.

La France… et sa culture du lobby auprès des politiques. (La société des crématorium de France est une société par action simplifiées au capital de 4 millions et demi d’euros, qui déclarait en 2011 un chiffre d’affaire de plus de 7 millions d’euros).

 

Un question également  environnementale :

Au-delà de la pollution, la question environnementale doit être posée. L’histoire industrielle et routière de la vallée de la Garonne en fait un lieu où l’implantation d’un crématorium peut être opportune : cette vallée, depuis l’antiquité, a été utilisée pour le tracé d’axes routiers (voie romaine de Toulouse à Saint-Bertrand, puis chemin de fer, autoroute), et, puisque le transport y était possible, pour l’installation de sites de production.  En rapport avec le fleuve, on y trouve d’anciennes gravières, non cultivables, proche de l’autoroute, et pour certaines sans habitat. C’est sur un site de cette nature que l’implantation d’un crématorium gênerait le moins.

Seysses se trouve justement sur ce couloir lié au fleuve. Sinon, les anciennes gravières le long de la Garonne ne manquent pas. Un crématorium à Seysses, ça peut être opportun, et il faut bien accepter des infrastructures pour l’équipement public, comme d’autres acceptent le passage du TGV ou de l’autoroute. Mais ce n’est pas obligé non plus que ce soit à Seysses précisément.

 

Halte à la désinformation

Pour finir, soyons vigilants : être opposant au projet du SIVOM, ce n’est pas être opposant au crématorium. Il faut certes quelque part dans notre département un crématorium. Pourquoi pas à Seysses. Mais pas sur un terrain agricole et pas en dégradant un peu plus l’environnement. Il y a d’autres possibilités. Comme le dit le préfet lui-même : le choix de ce terrain ne relève que d’une opportunité foncière, il ne relève d’aucune étude. Le SIVOM a un terrain à cet endroit dont il ne sait que faire ? Et bien, hop, le crématorium, on va le mettre là, sans se demander si c’est le bon endroit. C’est décidé par le maire de Frouzins sans concertation, et les élus seyssois qui nous représentent au SIVOM se taisent.

Le laxisme de nos élus en matière de dégradation environnementale, leur compromission avec les lobbys de l’argent industriel, ont fait assez de dégâts ces dernières décennies. La prise de conscience dans nos sociétés des nécessités écologiques n’autorise plus ces projets où l’être humain, en bout de chaine, et le plus grand perdant.

Nos enfants et petits-enfants méritent qu’on leur laisse un monde meilleur. Nous leur devons un monde meilleur.

 

 

 

 

2 Responses to crématorium et polllution

  1. [...] Pour aller plus loin, se documenter et mieux comprendre la problématique de ce crématorium, je vous engage à lire cette excellente synthèse du lien seyssois : crématorium et pollution. [...]

  2. Christine Cassard dit :

    bonjour,

    J’ai appris plein de choses sur les risques de l’implantation de ce Crématorium.
    Entre autre,l’exposé sur les autres alternatives, était très intéressant.
    J’espère que de nombreuses personnes auront accès à cet article. Je fais suivre à tous mes contacts.

Répondre à Marche citoyenne contre le crématorium - 22 avril 2017 • AMAP du Petit Scarabée Annuler la réponse.

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